Les origines
Le parfum nous accompagne depuis des millénaires et voyage, du Proche-Orient à la Grèce, de l'Asie à la France, évoluant au grès des modes et des cultures. Dès l'Antiquité, les Anciens comprennent le rôle de la combustion pour valoriser les fragrances de certaines herbes et essences aromatiques, qu'ils brûlent en l'honneur des divinités : la fumée odoriférante montant vers le ciel était un présent de choix et l'expression latine "per fumum", soit "à travers la fumée", donna le terme de parfum.
De l'Antique parfum solide brûlé pour en faire ressortir ses plus vives odeurs aux parfums liquides poudrés des années 1930, l'histoire ne cesse de prouver l'obsession des sociétés pour ces effluves que l'on a dit frivoles, pourtant si mémorables et puissantes. Suivez-nous aux temps immémoriaux et découvrez les parfums, leurs usages, notes olfactives et influences, au fil du temps...
Parfum et religion pendant l'Antiquité
Si les premières traces connues du parfum remontent à l'âge du bronze, en Mésopotamie et au Levant, l'Égypte ancienne nous offre une connaissance plus approfondie des fragrances et de leurs utilisations. Très présentes aux grands moments de la vie des sociétés, elles demeurent des produits essentiellement religieux : dans les temples, on fait don de parfums aux dieux, offrandes suprêmes qui peuvent être consommées par la divinité dans la fumée qui monte doucement vers le ciel. Ce n'est pas anodin si les parfumeurs de l'Égypte antique sont les prêtres. Pour réaliser ces senteurs délicates, point d'alcool, mais seulement des matériaux bruts. C'est le cas, par exemple, du "kyphi", composé de myrrhe, de raisin, de miel, de vin, de genêt, de safran et de genièvre : les ingrédients sont assemblés afin de former une masse relativement sèche, sorte d'encens sacré qui pourra ensuite être brûlé.
Dans la Grèce antique, le parfum, souvent utilisé à des fins religieuses, est présent lors des banquets, des évènements sportifs et guerriers chez les hommes et dans le gynécée chez les femmes. C'est néanmoins à cette époque qu'il devient un élément de la médecine : Hippocrate propose ainsi des fumigations de sauge pour guérir certaines maladies. L'utilisation du parfum atteint son paroxysme avec l'Empire romain qui en fait un usage presque exagéré. Quotidiennement, les Romains prennent des bains parfumés, imprègnent leurs cheveux, aspergent leurs vêtements, enduisent leurs peaux de fragrances diverses... et peu à peu, au fil des conquêtes et de l'extension de l'Empire, cet intérêt pour le parfum va se propager.
Fragrances médiévales
Le Moyen-âge est au départ réfractaire au développement de ces substances odorantes : considérées comme futiles et, avant tout, associées aux rites païens, l'Eglise condamne leur utilisation. Seul l'encens, lors de l'office religieux et quelques onguents et pommades sont tolérés. Il faut attendre les croisades pour que l'utilisation quotidienne du parfum soit à nouveau valorisée. Celui-ci, sous formes de pâtes odorantes, sera placé dans ce qu'on appelle alors un "pomander", petite sphère de métal, finement ciselée, accrochée à une chaine que l'on place soit autour de son cou, soit à sa ceinture.
Les voyages des croisés dans les pays d'Afrique du nord donnent certes lieu à une redécouverte des fragrances mais les populations locales ont également, dès le IXe siècle, inventé l'alambic et les techniques de distillations, ce qui leur permet de produire un parfum sous forme liquide : on rapporte ainsi de nouvelles senteurs liquides comme l'eau de rose. La consommation de substances odorantes va par la suite s'accentuer avec les premières épidémies, notamment la funeste peste noire de 1347 : à cette époque, la médecine associe la maladie et sa contagion aux mauvaises odeurs, c'est pourquoi le parfum est tout indiqué pour se soigner.
La Renaissance et ses eaux parfumées
L'appréhensions du miasme domine également la période de la Renaissance et celle-ci se cristallise dans la peur de l'eau, qui véhicule les maladies. Dès lors, l'usage de l'eau pour se laver décline au profit du parfum et des fumigations dans les intérieurs, d'eaux aromatiques dont on s'asperge ou encore de sachets parfumés que l'on place dans ses habits. Les odeurs favorites sont lourdes, principalement constituées de civette, d'ambre et de musc. Face à une demande qui ne cesse de croître, les parfumeurs imaginent de nouveaux procédés et vont remplacer l'usage des huiles et graisses, par l'alcool éthylique qui facilite l'évaporation des agrégats graisseux naturels. C'est selon cette nouvelle technique qu'est produite la célèbre "Eau de la Reine de Hongrie", alcoolat de romarin, produite en 1370 pour Elisabeth de Pologne, femme de Charles Robert de Hongrie, qui connaîtra un grand succès.
Au XVe siècle, le maître incontesté de la parfumerie est l'Italie mais au siècle suivant, l'arrivée de Catherine de Médicis en France bouleverse le cours des choses. Passionnée par l'art des fragrances, elle installe son parfumeur René le Florentin à Paris et importe plusieurs modes comme celle des gants parfumés. La France commence ainsi à produire ses propres fragrances à une large échelle, jusqu'à faire de Montpellier une des plus grandes capitales européennes de la parfumerie. La consommation de parfum ne cesse d'augmenter par la suite, parallèlement à une dégradation de l'hygiène de la population, au XVIIe siècle ; à la Cour du Roi Soleil, l'insalubrité règne, étouffée par de fortes odeurs musquées. Louis XIV raffole des senteurs lourdes dont il ne cesse de s'asperger tout au long de la journée et l'aristocratie suit, jusqu'aux dernières années de sa vie où, écœuré par l'odeur des multiples essences qu'il porte quotidiennement, il délaisse peu à peu le parfum.
Le parfum au Siècle des Lumières
Le monde de la parfumerie connaît une réelle expansion pendant le XVIIIe siècle. L'un des facteurs essentiel de cette consommation excessives de produits odorants est le manque d'hygiène qui atteint un point critique dans le second quart du siècle. Dans l'imaginaire collectif, corroboré par les propos des scientifiques, si le miasme sent mauvais, le parfum devient remède. Ainsi, pour se nettoyer, on commence par changer d'habits (le simple fait de porter un vêtement blanc apporte une certaine propreté au corps, dit-on), puis on frictionne son corps avec des lotions odorantes et de l'esprit de vin. Pour assainir l'air, on fait brûler chez soi du parfum et des pots-pourris sont placés dans chaque pièce, on embaume les boiseries et les murs des boudoirs, les habits, les gants, les mouchoirs et même la nourriture ! Les odeurs fortes, épicées et poivrées, sont alors appréciées, on se damne pour le musc et la civette, qu'on aime, parfois, alterner avec la fleur d'orange et la lavande.
Au milieu du siècle, l'aristocratie retrouve peu à peu l'usage de l'eau pour se nettoyer. Les senteurs animales sont délaissées au profit d'odeurs plus subtiles, douces et naturelles, comme la bergamote, la rose, le romarin et l'ambre. La Marquise de Pompadour raffole de son "Huile de Vénus", composée d'iris, de rose et de bois de santal.
Le Royaume de France au Siècle des Lumières est un des plus grands producteurs de parfum en Europe, grâce à la renommée de ses senteurs parisiennes mais surtout grassoises. La ville du sud, Grasse, se fait en effet connaître à cette époque, au-delà des frontières du pays comme la capitale incontestée de la fabrication et du commerce des odeurs, capable de produire les plus merveilleuses fragrances.
Chimie et parfumerie au XIXe siècle
Au tournant du XIXe siècle, la parfumerie connaît une période difficile, en France, après la Révolution Française. Associé aux privilèges aristocratiques et envisagé comme un symbole des frivolités monarchiques, le parfum perd de son attrait. Ce désamour ne dure heureusement pas et dès l’avènement de Napoléon Ier au pouvoir, le pays connait un regain d’intérêt pour les fragrances. Sous l’impulsion de l’Empereur, qui ne jure que par l’eau de Cologne qu’il frictionne sur son corps, ses cheveux et qu’il mélange à l’eau de son bain, l’entreprise du créateur de cette "Eau admirable", l’Italien Jean Marie Farina, connaît un essor fulgurant. Si on apprécie ces odeurs légères et fraîches, Joséphine de Beauharnais introduit la tendance inverse avec des odeurs plus épicées et exotiques, qui lui rappellent probablement les senteurs de son enfance martiniquaise.
A partir de 1820, l’émergence d’un jeune artiste des odeurs, français d’origine, parti faire ses études à Londres, vient bousculer le monde de la parfumerie. Pierre-François-Pascal Guerlain (1798-1864), explorateur passionné et inventeur de talent, installe sa première boutique en 1828 à Paris, 43 rue de Rivoli. Rapidement, il gagne en renommée et fournit les plus grandes cours d’Europe, celles de la Reine Victoria, de la Reine Isabelle d’Espagne ou encore de l’Impératrice Sissi, qui ne jureront que par ses fragrances délicates. Il formule des parfums d’excellence, animé par sa célèbre devise “Faites de bons produits, ne cédez jamais sur la qualité. Pour le reste, ayez des idées simples et appliquez-les scrupuleusement.”. En 1853, il connaît une nouvelle gloire, lorsque l’Impératrice Eugénie lui commande une création unique, spécialement conçue pour elle : il invente alors sa célèbre “Eau de Cologne Impériale” qui lui vaudra le titre de “Parfumeur breveté de Sa Majesté”. A cette occasion, il demande à son maître-verrier, Pochet & du Courval la fabrication d'un flacon extraordinaire : est crée le légendaire “Flacon aux abeilles” qui sera offert à l’Impératrice à l’occasion de son mariage avec Napoléon III.
Au fil du siècle, les odeurs plus puissantes, boisées, poudrées et musquées, connaissent un nouvel essor. Parallèlement, la chimie organique établit de considérables progrès, en isolant puis synthétisant les molécules présentes dans les plantes. Ces avancées révolutionnent la manière de travailler des artisans et de nouvelles senteurs voient le jour, telles les aldéhydes, les ionones et l’héliotropine. La coumarine, présente dans la fève tonka et synthétisée en 1868, est utilisée pour la première fois dans "Fougère Royale" d’Houbigant en 1882, tandis que la vanilline, présente dans la vanille, est synthétisée et ajoutée à "Jicky" de Guerlain en 1889.
La parfumerie moderne
Le début du XXe siècle est marqué par l’association nouvelle de la parfumerie et de la mode. Instiguée par le célèbre couturier Paul Poiret qui élabore, dès 1911, en l’honneur de sa fille, les “Parfums de Rosine”, l’union de ces deux univers ne cessera de gagner en importance. Associés, ils marqueront une profonde révolution, celle d’un luxe total, d’un parfum qui habille, notamment avec la création en 1921 de “Chanel N°5”, puis de “Shocking” en 1937 par Schiaparelli, hommages à une femme libérée.
L'élégante apprécie alors les odeurs florales et poudrées, l'essence-même d'une féminité délicate que Robert Bienaimé a su, dès 1935, capter avec ses premières créations pour sa propre maison : "Eveil" et "La Vie en Fleurs". Aujourd'hui, la Maison propose un voyage dans ce passé pour retrouver ces belles fragrances, quelque peu adaptées à notre nez moderne, plus douces, toujours exquises.